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cage fréquentée par un quatuor de lions des deux sexes.

Là, mû par les soifs combinées de l’or et de la gloire, il s’ingéniait à toucher, malignement, de cette pointe en ignition, les endroits les plus sensibles de ces nobles animaux, agrémentant même la séance d’une demi-douzaine de coups de revolver qu’il leur déchargeait, entre temps, dans les fosses nasales.

En un mot, rien d’Orphée, — bien que l’orchestre, en son inconsciente ironie, s’évertuât, durant le cours de la performance, à massacrer, à toute volée, dans son antre, la marche du Songe d’une nuit d’été.

Éperdus, les fauves bondissaient autour de l’importun, de la conduite duquel ils ne pouvaient s’expliquer les mobiles.

Maintenus dans un espace restreint par une grille à l’épreuve, les augustes quadrupèdes s’agitaient en vain. Et, préservé par la profonde surprise de ses hôtes, notre héros les torturait alors tout à son aise, aux applaudissements d’un hémicycle de gens distraits, — de femmes qui semblaient préoccupées.

Toutefois, un certain jour de Vénus (oui, si fidèle est ma mémoire), l’une des lionnes, Nina la Taciturne, indignée et n’en pouvant supporter davantage, crut devoir, d’une patte sévère, avertir l’élégant gêneur de l’imminence du moment psychologique. Simple remarque, — dont l’effet immédiat