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à s’accroître — se peignit dans le coup d’œil méfiant dont il enveloppa, dès lors, son croquenotes favori).

— Tu n’es pas sans ignorer, n’est-ce pas ? continua l’Étranger, que des hommes ont paru, dans ma partie, qui s’appelaient Orphée, Tyrtée, Gluck, Beethoven, Weber, Sébastien Bach, Mozart, Pergolèse , Palestrina, Rossini, Hændel, Berlioz, — d’autres encore. Ces hommes, figure-toi sont les révélateurs de la mystérieuse Harmonie à l’espèce humaine, qui, sans eux, privée même du million de vils singes dont la lucrative parodie les démarqua, en serait encore au gloussement. — Eh bien, mon « âme », à moi (ne te scandalise pas trop, cher frère, de cette expression démodée), mon « âme », disons-nous, rationnel camarade, est toute vibrante d’accents d’une magie nouvelle, — pressentie, seulement, par ces hommes, — et dont il se trouve que, seul, je puis proférer les musicales merveilles.

C’est pourquoi, tôt ou tard, l’Humanité fera pour moi — que l’on traite, à cette heure, d’insensé — ce qu’elle n’a jamais fait, en vérité, pour aucun de ces précurseurs.

Oui, les plus grands, les plus augustes, les plus puissants de notre race, — en plein siècle de lumières, pour me servir de la suggestive expression, mon éternel ami, — seront fiers de réaliser, d’après mon désir, le rêve que je forme et que voici… (Efforce-toi, s’il se peut, de ne pas mettre le comble à tes libéralités en me prodiguant encore celle de