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Cette dépravation sensorielle pouvait tenir de la fatigue nerveuse, morale et physique, due à mon voyage : je me laissai donc aller à l’examen de moi-même : — puis, machinalement, je relevai les yeux… et la direction de mon regard tomba sur un homme debout contre un mât de misaine, les bras croisés, à deux cents brasses de moi : je reconnus le noble lieutenant.

Nos yeux se rencontrèrent à l’unisson, et nous détournâmes spontanément la vue l’un de l’autre, comme avec malaise. Pourquoi ?… Ni lui ni moi ne le saurons jamais.

Pour couper court aux pensées ternes qui commençaient à monter en mon esprit, je me levai en sursaut, j’avalai l’absinthe d’un trait ; puis, tournant les talons à la guinguette, je me mis à arpenter vivement le chemin des faubourgs maritimes où habitaient les époux Lenoir, — chemin