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sition les oiseaux et les buires de vins de Chanaan.

Sur un siège de cèdre, aux pieds des chroubïm lumineux du Trône et entouré de ses rudes guibborim, est assis, voûté, pâle et sans boire, et le glaive sur les genoux, le Sar-des-gardes Ben-Jëhu. C’est l’antique exécuteur du rebelle Adônia, ce frère du Maître, préféré d’Abischag-la-Sulamite ; — c’est le grand serviteur militaire, le meurtrier d’Ébyathar et du sar Simëi ! et de Joab, le vieux Pontife ! — c’est le vivant herrëb du Roi, celui qui frappe les victimes désignées, même suspendues, avec des mains suppliantes, aux coins de l’Autel.

Auprès de lui, debout, le front éclairé par la torche d’une statue, se tient muet, les mains crispées sur les bras et comme attendant quelque moment obscur, l’héritier d’Israël, l’impolitique fils de Naëma la princesse ammonite, le funeste Réhabëam, qui ne doit régner que sur Juda.

Au loin, sur les tapis du trône sont étendues deux très jeunes vierges de Millô, deux schoschannas, destinées aux encensements dans les cryptes souterraines du Temple devant la Pierre fondamentale, l’Ebën-Schëtiya, que ne touchèrent pas les eaux du Déluge. Entre elles est assis, vêtu de pourpre noire fleurie d’or, le prince Hayëm, l’adolescent olivâtre, le baalkide aux cheveux tressés, l’énigmatique rejeton que la reine du Sud, dès son retour en Libye, avait envoyé au beau Sage, seigneur des Hébreux, en accompagnant ce fils d’une suite d’éléphants chargés d’arbustes, d’étoffes, d’essences, d’aromates et de