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encore et reconstruire le zend, à peine lisible, de cette souveraine devise des peuples libres d’alors :

« … et Dieu ne prévaudra ! »

Le silence n’est troublé que par le glissement des crotales, qui ondulent parmi les fûts renversés des colonnes, ou se lovent, en sifflant, sous les mousses roussâtres.

Parfois, dans les crépuscules d’orage, le cri lointain de l’hémyone, alternant tristement avec les éclats du tonnerre, inquiète la solitude.


Sous les ruines se prolongent des galeries souterraines aux accès perdus.

Là, depuis nombre de siècles, dorment les premiers rois de ces étranges contrées, de ces nations, plus tard sans maîtres, dont le nom même n’est plus. Or, ces rois, d’après les rites de quelque coutume sacrée sans doute, furent ensevelis sous ces voûtes, avec leurs trésors.

Aucune lampe n’illumine les sépultures.

Nul n’a mémoire que le pas d’un captif des soucis de la Vie et du Désir ait jamais importuné le sommeil de leurs échos.

Seule, la torche du brahmine, — ce spectre altéré de Nirvanah, ce muet esprit, simple témoin de l’universelle germination des devenirs, — tremble, imprévue, à de certains instants de pénitence ou de songeries divines, au sommet des degrés disjoints et projette, de marche en marche, sa flamme obscurcie de fumée jusqu’au profond des caveaux.