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tu pas, au fond, donné l’exemple du méchant sacrilège… que tu voudrais me reprocher ? Entre nous, ne serais-tu pas embarrassé quelque peu si je t’eusse aimé ?… Prends-tu, sérieusement, le charme, convenu en effet, d’un instant — peut-être bien solitaire, bien peu partagé peut-être ! — pour la fusible et dévorante joie de l’Amour ? — Quoi ! tu ravirais, je suppose, un baiser sur les lèvres d’une enfant endormie et, de ceci, tu la jugerais coupable d’infidélité à — son fiancé, par exemple ?… Et, la rencontrant un jour, tu oserais t’imaginer, sans rire, avoir été le rival de celui… Ah ! je t’atteste que n’ayant pas même ressenti le frôlement de ce baiser, elle serait dispensée, envers toi, même de l’oubli. — Si indifférent que tu me puisses être en amour, tu peux bien croire, sans grande fatuité, j’imagine, que j’ai su distinguer le plaisir qu’a me causer ta simple personne, de celui que m’a causé, aussi, ce joli diamant glissé à mon doigt — (ah ! certes, avec une délicate et tout à fait simple apparence de souvenir, je l’accorde !) — mais qui, parlons franc, t’acquittait envers une pauvre fille, galante de son métier, comme ta très humble servante Maryelle. Quant au surplus, à ce que je puis t’avoir accordé par enjouement ou par indolence, c’est là l’illusion qu’il faut laisser à jamais envolée, — la poussière brillante des ailes de ce papillon s’étant toujours effacée aux doigts assez cruels qui tentèrent de le ressaisir.

« Mon cher, n’espère pas me persuader que tu n’as