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Instantanément, je me sentis mieux ; la lumière, cette vibration divine, diversifie les milieux funèbres et console des mauvaises terreurs.

Je résolus de boire un verre d’eau froide pour me remettre tout à fait et je descendis du lit.

En passant devant la fenêtre, je remarquai une chose : la lune était exactement pareille à celle de mon songe, bien que je ne l’eusse pas vue avant de me mettre au lit ; et, en allant, la bougie à la main, examiner la serrure de la porte, je constatai qu’un tour de clef avait été donné en dedans, ce que je n’avais point fait avant mon sommeil.

À ces découvertes, je jetai un regard autour de moi. Je commençai à trouver que la chose était revêtue d’un caractère bien insolite. Je me recouchai, je m’accoudai, je cherchai à me raisonner, à me prouver que tout cela n’était qu’un accès de somnambulisme très lucide, mais je me rassurai de moins en moins. Cependant la fatigue me prit comme une vague, berça mes noires pensées et m’endormit brusquement dans mon angoisse.

Quand je me réveillai, un bon soleil jouait dans la chambre.

C’était une matinée heureuse. Ma montre, accrochée au chevet du lit, marquait dix heures. Or, pour nous réconforter, est-il rien de tel que le jour, le radieux soleil ? Surtout quand on sent les dehors embaumés et la campagne pleine d’un vent frais dans les arbres, les fourrés épineux, les fossés couverts de fleurs et tout humides d’aurore !