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Maucombe devait y disposer d’une chambre quelconque, d’un réduit ? — Sans doute, il avait amassé, dans ses voyages, quelques anciens volumes ? des curiosités du Liban ? Les étangs, auprès des manoirs voisins, recélaient, à le parier, du canard sauvage ?… Quoi de plus opportun !… Et, si je voulais jouir, avant les premiers froids, de la dernière quinzaine du féerique mois d’octobre dans les rochers rougis, si je tenais à voir encore resplendir les longs soirs d’automne sur les hauteurs boisées, je devais me hâter !

La pendule sonna neuf heures.

Je me levai ; je secouai la cendre de mon cigare. Puis, en homme de décision, je mis mon chapeau, ma houppelande et mes gants ; je pris ma valise et mon fusil ; je soufflai les bougies et je sortis — en fermant sournoisement et à triple tour la vieille serrure à secret qui fait l’orgueil de ma porte.

Trois quarts d’heure après, le convoi de la ligne de Bretagne m’emportait vers le petit village de Saint-Maur, desservi par l’abbé Maucombe ; j’avais même trouvé le temps, à la gare, d’expédier une lettre crayonnée à la hâte, en laquelle je prévenais mon père de mon départ.

Le lendemain matin, j’étais à R***, d’où Saint-Maur n’est distant que de deux lieues, environ.

Désireux de conquérir une bonne nuit (afin de pouvoir prendre mon fusil dès le lendemain, au point du jour), et toute sieste d’après déjeuner me semblant capable d’empiéter sur la perfection de mon sommeil,