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beauté des femmes et des jeunes seigneurs que par le luxe inouï que la cour y déployait.

La reine venait d’innover ces robes « à la gore » où l’on entrevoyait le sein à travers un lacis de rubans agrémentés de pierreries et ces coiffures qui nécessitèrent d’exhausser de plusieurs coudées le cintre des portes féodales. Dans la journée, le rendez-vous des courtisans (qui se trouvait proche du Louvre) était la grand’salle et la terrasse d’orangers de l’argentier du roi, messire Escabala. On y jouait sur table chaude et, parfois, les cornets de passe-dix roulaient des dés sur des enjeux capables d’affamer des provinces. On gaspillait quelque peu les lourds trésors amassés, si péniblement, par l’économe Charles V. Si les finances diminuaient l’on augmentait les dîmes, tailles, corvées, aides, subsides, séquestres, maltôtes et gabelles jusqu’à merci. La joie était dans tous les cœurs. — C’était en ces jours, aussi, que, sombre, se tenant à l’écart et devant commencer par abolir, dans ses États, tous ces hideux impôts, Jean de Nevers, chevalier, seigneur de Salins, comte de Flandre et d’Artois, comte de Nevers, baron de Réthel, palatin de Malines, deux fois pair de France et doyen des pairs, cousin du roi, soldat devant être désigné, par le Concile de Constance, comme le seul chef d’armées auquel on dût obéir sans excommunication et aveuglément, premier grand feudataire du royaume, premier sujet du roi (qui n’est, lui-même, que le premier sujet de la nation), duc héréditaire de Bourgogne, futur héros de Nicopolis —