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fouet dont le rentier qui conduisait enveloppait, à tours de bras, les trois chevaux.

La journée fut bonne.

Les bourgeois sont de joyeux vivants, ronds en affaires. Mais sur le chapitre de l’honnêteté, halte-là ! par exemple : intègres à faire pendre un enfant pour une pomme.

Chacun d’eux dîna donc chez son métayer, pinça le menton de la fille, au dessert, empocha la sacoche de l’affermage et, après avoir échangé avec la famille quelques proverbes bien sentis, comme : — « Les bons comptes font les bons amis », ou « À bon chat, bon rat », ou « Qui travaille, prie », ou « Il n’y a pas de sot métier », ou « Qui paie ses dettes, s’enrichit », et autres dictons d’usage, chaque propriétaire, se dérobant aux bénédictions convenues, reprit place, à son tour, dans le char-à-bancs collecteur qui vint les recueillir, ainsi, de ferme en ferme, — et, à la brune, l’on se remit en route pour Nayrac.

Toutefois, une ombre était descendue sur leurs âmes ! — En effet, certains récit des paysans avaient appris à nos propriétaires que le violoneux avait fait école. Son exemple avait été contagieux. Le vieux scélérat s’était, paraît-il, renforcé d’une horde de voleurs réels et — surtout à l’époque de la recette — la route n’était positivement plus sûre. En sorte que, malgré les fumées, bientôt dissipées, du clairet, nos héros mettaient, maintenant, une sourdine à la Parisienne.

La nuit tombait. Les peupliers allongeaient leurs