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CONTES CRUELS

les services qu’il peut rendre à la société proprement dite et au Progrès prescrivent à tous égards l’obligation de le préconiser avec feu.

On ne saurait trop inculquer au jeune âge — et bientôt, même, au bas âge, — le goût de ce délassement hygiénique.

L’appareil Schneitzoëffer (junior) — le seul dont l’usage donne du ton aux nerfs des enfants trop aimants, — est appelé à devenir, pour ainsi dire, le vade mecum du collégien en vacances, qui en étudiera l’application, l’aimable mutin, entre celle de deux verbes pronominaux ou déponents. Ses maîtres lui indiqueront cela comme devoir à faire. — À la rentrée, le joujou, ce sera pour mettre dans son pupitre.

Heureux siècle ! — Au lit de mort, maintenant, quelle consolation pour les parents de songer que ces doux êtres — trop aimés ! — ne perdront plus le temps — le temps, qui est de l’argent ! — en flux inutiles des glandes lacrymales et en ces gestes saugrenus qu’entraînent, presque toujours, les décès inopinés !… Que d’inconvénients évités par l’emploi quotidien de ce préservatif !

Une fois le pli bien pris, les héritiers, — ayant acquis l’indifférence éclairée, sympathique, attristée, convenable, enfin, — devant le trépas des leurs, — en ayant, disons-nous, dilué la désolation de longue main, — n’auront plus à redouter les conséquences du trouble et de l’ahurissement où la soudaineté des apprêts lugubres plongeait parfois les ancêtres : ils seront vaccinés contre ce désespoir. Une ère