Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/157

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Il vient vers la porte ! — Ah ! par les dieux infernaux ! — Tu n’entreras pas !

Des milliers de bras s’élevèrent.

— Arrière ! C’est le barathre qui t’attend ! — ou plutôt… — Arrière ! Nous ne voulons pas de ton sang dans nos gouffres !

— Au combat ! Retourne !

— Crains les ombres des héros, autour de toi.

— Les Perses te donneront des couronnes ! Et des lyres ! Va distraire leurs festins, esclave !

À cette parole, on vit les jeunes filles de Lacédémone incliner le front sur leurs poitrines, et, serrant dans leurs bras les épées portées par les rois libres dans les âges reculés, elles versèrent des larmes en silence.

Elles enrichissaient, de ces pleurs héroïques, la rude poignée des glaives. Elles comprenaient et se vouaient à la mort, pour la patrie.

Soudain, l’une d’entre elles s’approcha, svelte et pâle, du rempart : on s’écarta pour lui livrer passage. C’était celle qui devait être un jour l’épouse du fuyard.

— Ne regarde pas, Séméïs !… lui crièrent ses compagnes.

Mais elle considéra cet homme et, ramassant une pierre, elle la lança contre lui.

La pierre atteignit le malheureux : il leva les yeux et s’arrêta. Et alors un frémissement parut l’agiter. Sa tête, un moment relevée, retomba sur sa poitrine.

Il parut songer. À quoi donc ?