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étincelaient du sang de l’astre. Seuls, les yeux de cette foule étaient sombres ; ils envoyaient, fixement, des regards aigus comme des javelots vers la cime du mont, d’où quelque grande nouvelle était attendue.

La surveille, les Trois-Cents étaient partis avec le roi. Couronnés de fleurs, ils s’en étaient allés au festin de la Patrie. Ceux qui devaient souper dans les enfers avaient peigné leurs chevelures pour la dernière fois dans le temple de Lycurgue. Puis, levant leurs boucliers et les frappant de leurs épées, les jeunes hommes, aux applaudissements des femmes, avaient disparu dans l’aurore en chantant des vers de Tyrtée. Maintenant, sans doute, les hautes herbes du Défilé frôlaient leurs jambes nues, comme si la terre qu’ils allaient défendre voulait caresser encore ses enfants avant de les reprendre en son sein vénérable.

Le matin, des chocs d’armes, apportés par le vent, et des vociférations triomphales, avaient confirmé les rapports des bergers éperdus. Les Perses avaient reculé deux fois, dans une immense défaite, laissant les dix mille Immortels sans sépulcre. La Locride avait vu ces victoires ! La Thessalie se soulevait. Thèbes, elle-même, s’était réveillée devant l’exemple. Athènes avait envoyé ses légions et s’armait sous les ordres de Miltiade ; sept mille soldats renforçaient la phalange laconienne.

Mais voici qu’au milieu des chants de gloire et des prières dans le temple de Diane, les cinq Éphores, ayant écouté des messagers survenus, s’étaient entre-