Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/110

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Ah ! tant mieux. Et puis l’on peut vivre à la campagne pour beaucoup moins d’argent qu’à la ville. C’est mes parents qui m’ont dit cela. J’aime la chasse et je tuerai, aussi, beaucoup de gibier. Avec la chasse, on économise, aussi, un peu d’argent !

— Puis, — c’est la campagne, mon Paul ! Et j’aime tant tout ce qui est poétique !

— J’entends du bruit là-haut, hein ?

— Chut ! il faut que je remonte : madame Pannier pourrait s’éveiller. Au revoir, Paul.

— Virginie, vous serez chez ma tante dans six jours ?… au dîner ?… J’ai peur, aussi, que papa ne s’aperçoive que je me suis échappé, il ne me donnerait plus d’argent.

— Votre main, vite.

Pendant que j’écoutais, ravi, le bruit céleste d’un baiser, les deux anges se sont enfuis ; l’écho attardé des ruines vaguement répétait : « … De l’argent ! Un peu d’argent ! »

Ô jeunesse, printemps de la vie ! Soyez bénis, enfants, dans votre extase ! vous dont l’âme est simple comme la fleur, vous dont les paroles, évoquant d’autres souvenirs à peu près pareils à ce premier rendez-vous, font verser de douces larmes à un passant !