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VIRGINIE ET PAUL


À Mademoiselle Augusta Holmès.


« Per amica silentia lunæ. »
Virgile


C’est la grille des vieux jardins du pensionnat. Dix heures sonnent dans le lointain. Il fait une nuit d’avril, claire, bleue et profonde. Les étoiles semblent d’argent. Les vagues du vent, faibles, ont passé sur les jeunes roses ; les feuillages bruissent, le jet d’eau retombe neigeux, au bout de cette grande allée d’acacias. Au milieu du grand silence, un rossignol, âme de la nuit, fait scintiller une pluie de notes magiques.

Alors que les seize ans vous enveloppaient de leur ciel d’illusions, avez-vous aimé une toute jeune fille ? Vous souvenez-vous de ce gant oublié sur une chaise, dans la tonnelle ? Avez-vous éprouvé le trouble d’une présence inespérée, subite ? Avez-vous senti vos joues brûler, lorsque, pendant les vacances, les parents souriaient de votre timidité l’un près de l’autre ?