et se jetaient face à terre sous la nuée poudroyante d’où sortaient des éclairs d’armes. Au bas de la descente, un moulin rustique vannait un ruisselet dont l’eau chantante ourlait d’argent de grosses pierres bleues.
Tout à coup un hurlement retentit, et un des Samouraïs qui couraient en avant-garde, se dressant sur sa haute selle capitonnée, enfila le petit pont de planches qui menait au moulin en criant : « Ah ! brute ! Tu ne veux pas saluer le seigneur Saïgo ! Tu lui tournes grossièrement le dos ! À mort ! À mort ! » Et bondissant hors de selle, d’une main il jetait rudement à terre un vieil homme qui prenait tranquillement son bain du soir, les jambes dans une seille de sapin, en regardant bouillonner l’eau sous sa roue ; de l’autre tirant un sabre, il allait frapper, quand un commandement bref sonna : « Arrête, Kountaro ! Sur ta vie ! Cet homme m’appartient ! Amène-le ! »
Et un moment plus tard, le Grand Maréchal, assis sur sa selle rapidement enlevée par son betto, fixait de ses yeux froids un vieux paysan tout noueux, dont le calme le sur- prenait après une si chaude alerte. — « M’as-tu donc fait cette injure de propos délibéré ? dit-il. Tu es bien vieux. Est-il possible que tu ne me connaisses pas ? Qui es-tu ? — Monseigneur, je suis un peu sourd. Je tournais le dos à la route, et j’avais dans les oreilles le bruit de la roue de mon moulin.
« — En tous cas, tu as du courage. Qui es-tu ? — Monseigneur, je suis Satsou, et vous connais depuis votre naissance, car j’ai été, tant qu’il a vécu, le betto de votre père. Sa Seigneurie m’aimait, et c’est moi qui lui ai enseigné ainsi qu’à vous le secret dès vieilles pierres… » Saïgo tressaillit : « C’est toi… Kountaro, dit-il sévèrement, » une autre fois, sois moins prompt à jouer du katana (sabre). Sois tranquille. Tu ne mourras pas sans avoir eu, pour montrer que tu y es habile, une meilleure occasion que la
