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contes d’extrême-orient

et était descendu dans le vallon, au point où il estimait que l’une ou l’autre des bêtes chassées viendrait boire ou traverser la rivière.

Les dentelures caractéristiques des monts de Kiouchiou ne perçaient là que de loin en loin, par des pointes ou des blocs grisâtres, le manteau de végétation d’un taillis clair, à sous-bois peu touffu, remué en houles vertes par l’haleine de la mer. La pente était douce et les troncs la descendaient, alignés comme des soldats, jusqu’à une roche formant corniche. Sur l’un de ses flancs, un escalier délabré dessinait des zigzags arrêtés chacun à un palier marqué d’un petit portique de laque rouge en forme de π (p grec). Le dernier accédait à l’entablement du rocher, ou, d’un bosquet de bambous et de camélias, montait la toiture lilas d’un petit temple dont la faltière. une boule à arêtes épineuses, dédorée par l’air salin, atteignait les branches d’un haut camphrier mort, couvertes des longues feuilles glabres et des corolles éclatantes de clématites bleues, violettes et blanches. Au pied du roc, près d’un relai de la rivière, un pin des Philippines, né d’une pomme apportée des lointaines les espagnoles par le fleuve Noir du Pacifique[1], détachait son magnifique parasol sur une nappe épaisse de feuilles et de fleurs épanchée en cascade du sommet de la corniche.

Saïgo, droit sur sa selle de bois rembourrée de ouate piquée, indifférent à un paysage dont il connaissait les moindres traits, son fusil en travers des genoux, laissait souffler son cheval couvert de sueur, et tendait l’oreille aux cris des chasseurs, de plus en plus proches, et aux aboiements des chiens dont le vacarme indiquait la voie chaude. Tout à coup, à mi-côte, quelque chose file comme une flèche entre les troncs espacés du bois et une biche

  1. Le « Courant du Japon » nommé dans le pays : Kuro Siwo.