Page:Villeneuve - Le Temps et la patience, tome 2.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
83
ET LA PATIENCE.

La mort de cet abominable, dont Merille avoit douté, & qu’elle craignoit qui manquât, lui fit un si grand plaisir, qu’elle cessa pour quelques instants de sentir sa foiblesse, qui ne fut pas de longue durée ; car, selon la promesse de la vieille, cette bonne femme lui fit avaler quelques gouttes d’une liqueur, dont elle éprouva un effet si avantageux, qu’il lui rendit toutes ses forces. Mais après avoir donné les premiers moments à la joie de leur heureuse délivrance, elle fut en état de songer à ses freres & à ses cousines.

Les instruments du carnage & les outils de boucherie dont se servoit le Tyran, furent employés à disséquer sa mâchoire : ils y travaillerent en diligence ; &, munis de ce trésor, Merille & son amant coururent avec empressement où étoient les enfants du Roi d’Angole & de Bengal, à qui elle voulut redonner elle-même la forme qu’ils avoient eue ci-devant ; & après l’avoir fait reprendre à se famille, sa générosité ne s’arrêtant pas là, elle s’arracha à leurs caresses & à leurs remerciements, pour rendre le même service à plus de quatre mille malheureux qui se trouverent délivrés par ce qu’ils avoient le plus redouté, cette mâchoire