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ET LA PATIENCE.

bre avec attention, bien résolu d’en faire éprouver le tranchant à leur cruel ennemi.

Ce jour se passa entre la crainte & l’espérance ; & le moment qui devoit décider de leur sort étant arrivé, l’anthropophage ne tarda pas à se faire entendre. La vieille lui dit que Merille n’étoit plus en état d’aller à la porte, & de passer sa main dessous ; qu’ainsi il n’avoit qu’à trouver un autre moyen : il est tout trouvé, dit-il brutalement ; puisqu’elle est prête d’expirer, il seroit inutile de la transformer, elle n’auroit que les os, & je ne veux pas manger de chair morte de misere : mais tandis qu’elle respire encore, apporte-la contre la porte, & me passe sa main, j’en tirerai ce que je pourrai ; je n’ai pas besoin, pour tetter, qu’elle ait ni connoissance ni mouvement. La vieille, semblant vouloir obéir, prit Merille entre ses bras ; & quand elle fut tout auprès de la porte, elle se laissa tomber, en criant qu’elle venoit encore de se demettre la jambe.

Angoulmouëk, plus touché du retardement qu’apportoit cet accident, & de l’obstacle qu’il mettoit à sa gourmandise, que du mal qu’il croyoit que son Esclave ressentoit, lui cria de faire un effort pour lui passer la main de cette malheureuse ; mais la vieille persistant à soutenir qu’il