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LE TEMPS

mouëk, ce qui épuiseroit plus promptement ses veines.

Un espoir si flatteur les tranquillisant, ils prirent quelques moments de repos ; & l’heure étant venue où Angoulmouëk se fit entendre, en demandant son déjeûner, il fallut que le Prince eût encore la douleur de voir l’objet de son amour exposé à cette horrible complaisance. La vieille avoit prévenu Merille, & lui avoit conseillé de se plaindre douloureusement d’une voix mourante, & d’affecter de laisser tomber sa main, comme si elle eût perdu toutes ses forces.

Elle suivit si exactement cette leçon, que le Tyran y fut trompé. Il fut fort fâché de la perte qu’il se croyoit sur le point de faire ; & se hâtant de profiter du peu de temps qui lui restoit, il redoubla l’ardeur dont il la suçoit ordinairement, & il auroit passé sans scrupule le temps prescrit, si la vieille ne lui avoit crié qu’elle étoit évanouie, & que, s’il la vouloit conserver encore quelques jours, il lui falloit donner plus de repos, au-lieu d’augmenter sa fatigue.

Angoulmouëk se rendit à cette remontrance, & s’en alla courir le monde à son ordinaire. Pendant son absence, Benga, par le conseil de la vieille, aiguisa son sa-