Page:Villeneuve - Le Temps et la patience, tome 2.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
ET LA PATIENCE.

& qu’il vous voie : osez-vous vous flatter que, pouvant se garantir de votre courroux, puisqu’il ne lui faut qu’une parole, il ne la prononcera pas, ou que, n’entrant pas d’ordinaire en ce lieu, parce qu’il en connoît les conséquences, il y viendra exprès pour s’offrir à votre ressentiment ? Non, non, il n’en fera rien, ne le présumez pas. Tout cela peut être vrai, ma chere Princesse, reprenoit Benga ; mais comme nous n’avons pas d’autre parti à prendre, & que ce danger, tout grand qu’il vous paroît, est pourtant le seul moyen par où nous pussions nous flatter de terminer nos maux, je vous supplie de me le laisser tenter, & de considérer que, si je succombe dans cette entreprise, aussi nécessaire qu’elle est glorieuse, votre sort, le mien, celui de vos freres & de mes sœurs ne sera pas plus cruel, puisqu’il est à son période, & que nous ne pouvons être mangés qu’une fois ; ce qui est inévitable, si je ne fais aucun mouvement pour nous en préserver.

Ah ! de grace, mon cher Benga, interrompit la triste Merille, ne me donnez point le creve-cœur de vous voir déchiré par ce monstre ; je n’ignore pas que c’est une destinée que vous ne pouvez éviter, & où votre amour vous a forcé