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ET LA PATIENCE.

venir, la chasse n’étant pas toujours également heureuse, je les mis dans mon parc, où la douleur de se voir en cet état, en fit mourir quelques-uns, & maigrir tous généralement.

Cependant l’excellence du pâturage fit qu’ils s’y accoutumerent ; & la fausse espérance de changer de sort les séduisant, ils s’y sont insensiblement faits. Leur exemple ayant influé sur ceux qui leur ont succédé, je me trouve en commodité de faire une chere délicieuse, & si fort de mon goût. Il n’y a qu’une seule chose à quoi je n’ai pu réussir ; c’est à me préserver de l’ennui de la solitude où je suis condamné : j’ai pourtant trouvé le secret de l’adoucir par mon art, qui me fait paroître, quand je veux, de la taille ordinaire ; & comme je suis le maître de prendre la figure qui me plaît davantage, je choisis toujours la plus agréable, ensorte que je ne suis seul que quand je rentre pour me reposer & pour prendre de la nourriture, celle où il faudroit me restreindre, si je mangeois ailleurs, me semblant trop insipide.

De cette sorte je vis fort agréablement, me transportant, quand il me plaît, d’un bout de l’Univers à l’autre, où ne manquant pas d’argent, parlant toutes les lan-