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ET LA PATIENCE.

C’est dans ce même Palais où vous devez mourir, ajouta-t-il, en me désignant ta propre chambre ; & c’est dans ce seul endroit où les hommes vous peuvent être dangereux : comme vous n’aurez rien à redouter ailleurs, il seroit inutile qu’abusant du pouvoir de les transformer, vous le fissiez autre part.

A cette condition qu’il me fit accepter, il m’apprit tous les secrets de son art ; & le moment marqué pour la fin de sa vie étant arrivé, il expira. Je fus touché de sa perte ; mais la contrainte qu’il apportoit à mon goût pour la chair humaine, m’empêcha d’en être affligé autant que je l’aurois été, & j’envisageois avec plaisir, que par cette mort je devenois maître de me livrer à mon penchant.

Mais je ne jouis pas long-temps de cette joie, car elle fut troublée par la condition qu’il y avoit si injustement mise ; & si mon appétit me conseilloit de profiter de la liberté que j’avois de le satisfaire, l’amour de la vie m’en détournoit, puisque je ne devois point manquer à la promesse que j’avois faite à mon pere, & qu’il m’avoit assujetti à tous les genres de mort, où sont sujets le commun des hommes, (même à la perte de sa science,) si je contrevenois à mon serment.