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LE TEMPS

en faisant naître autour de ce Palais des bois presqu’impénétrables, & des chemins assez remplis de difficultés, pour qu’ils préservassent les malheureux voyageurs de sa dent meurtriere.

Je naquis dans ce temps-là, & mon pere, qui prit pour moi une tendresse sans égale, songea à me garantir du sort qui me menaçoit d’être assassiné : il ne pouvoit pas absolument m’en préserver, puisque le destin avoit décidé que c’étoit le genre de mort où il me soumettoit ; mais il pouvoit en suspendre l’effet pour plusieurs siecles, ayant mis de telles conditions à mon trépas, qu’il se passera bien des années avant qu’elles puissent être remplies : premièrement, il n’est pas possible de m’empoisonner, ni de me blesser avec d’autres armes qu’un sabre, encore ne doit-on pas y employer la pointe, mais seulement le tranchant ; & en second lieu, on ne peut me frapper par derriere, ni en aucune partie du corps : enfin, il faut me couper la tête en plein jour, & que je voie mon meurtrier. Tu conçois bien, continua-t-il, que ce n’est pas un petit ouvrage, y ayant peu d’hommes assez grands pour atteindre à une tête posée sur des épaules qui sont à plus de douze pieds de terre.