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ET LA PATIENCE.

mais Merille commença à s’affoiblir extrêmement, & connut qu’elle ne résisteroit pas encore long-temps au genre de supplice où elle étoit exposée ; ce qui détermina Benga à risquer tout, sans attendre le fruit lent des conseils de la vieille, qui vouloit l’engager à différer encore.

Que voulez-vous que j’attende, disoit-il avec vivacité ? faut-il que je donne le temps à cet infâme d’ôter le jour à ma chere Princesse, & d’égorger mes sœurs & mes amis ? Que me servira alors de le punir ? ne vaut-il pas mieux ne lui pas laisser la liberté de les dévorer, & le prévenir avant qu’il ait consommé son crime ? enfin, si je dois périr, une mort généreuse n’est-elle pas à préférer à celle que me donne continuellement la douleur d’y voir tout ce que j’aime exposé ? Quand je serois assez lâche pour craindre la mort, poursuivoit-il, peut-elle me manquer ? dois-je me flatter d’être éternellement caché à ses yeux ? & même, si cela étoit possible, devrois-je le souhaiter ? l’honneur me permettroit-il de desirer de vivre, après avoir tout perdu ?

La résolution de Benga parut si ferme, & en même-temps si vertueuse, que l’Esclave, jugeant qu’il seroit inutile de combattre, ne lui demanda plus que le