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LE TEMPS

duit qui est au-delà de notre chambre : comme le monstre n’y entre jamais, & qu’il est accoutumé à nous sentir, il ne distinguera peut-être pas de si loin que l’odeur de la chair humaine est augmentée.

Alors, sans tarder, elle les fit entrer dans le seul endroit qui pouvoit les soustraire à la fureur de leur bourreau, où elle leur présenta à manger. Merille n’avoit rien pris depuis la derniere fois qu’elle avoit été tettée, & elle étoit extraordinairement foible ; mais elle mangea plus par complaisance pour son amant, que pour subvenir au besoin qui l’accabloit, & auquel elle ne faisoit aucune attention : le même motif engagea Benga à manger aussi.

Ce tendre Prince fut au désespoir, en apprenant à quel genre de mort sa chere Merille étoit exposée. La certitude qu’il y voyoit, redoubloit le desir qu’il avoit de détruire cet homme pernicieux ; mais comment faire ? il leur falloit le secours du Temps favorable, & il ne venoit point, ne leur donnant à connoître, par aucuns indices, qu’il eût dessein de les protéger. Leur seule consolation étoit de compter sur le secours de la Patience, & de l’inviter à leur être propice.

Cette journée se passa toute entiere sans avoir pu rien inventer de convenable à