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ET LA PATIENCE.

me prouvant assez qu’il n’est pas de votre condition de voyager de la sorte.

Chacun sait ses malheurs, interrompit cette belle personne en soupirant ; peut-être que si vous appreniez ceux dont je suis poursuivie, vous trouveriez que les vôtres ne peuvent entrer en comparaison. Je lui demandai de quelle nature ils étoient ; mais elle refusa de satisfaire ma curiosité, en me disant qu’il ne lui étoit pas possible de s’arrêter, ni de perdre du temps en des discours inutiles, me priant cependant de lui permettre de me suivre.

Je lui représentai vainement que, n’ayant pas de retraite assurée, je ne lui serois d’aucun secours, lui avouant naturellement que mon voyage n’avoit pour but que de fuir d’Angole.

Ah ! que vous m’affligez, me dit-elle ; hélas ! c’est le lieu où j’avois dessein d’aller. Je frémis à cette réponse ; & la crainte qu’elle n’y parlât de moi, me rendit éloquente, en lui peignant les malheurs de votre Patrie avec les couleurs les plus vives ; & n’oubliant pas l’infortune de la Reine, les vôtres, & les crimes de Mouba, j’arrachai ce desir de son cœur.

Il ne faut donc plus songer à cet asyle, s’écria-t-elle en soupirant ; car sans doute que pour se faire des amis, ce lâche usur-