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ET LA PATIENCE.

bonté & la sévérité regnoient également : Eh bien, imprudente Merille, connois-tu ce que je vaux, &, les maux où t’a plongée la folle précipitation ? si tu m’avois écoutée, tu te serois épargné la cruelle aventure qui t’arrive, puisque, malgré les mépris que tu me témoignois, & le courroux où tu as mis le Temps contre ta désobeissance, je l’avois appaisé, il étoit prêt à te devenir favorable… ; mais, te piquant de témérité, tu n’as pas voulu me rien devoir. Courageuse à affronter & à courir au-devant des périls, tu deviens lâche pour les soutenir ; t’abandonnant indignement au désespoir, tu aimes mieux lui sacrifier tes jours avec ceux de ta famille, que d’avoir recours à ma bonté.

Ah ! illustre Patience, lui répondit Merille, je suis coupable, il est vrai ; mais mon crime étant irréparable, je n’ai de ressource qu’à la mort, j’ai mis ma fortune en un tel état, que votre secours me devient inutile, & que l’invoquer ou le recevoir, seroit une lâcheté sans profit. Voudriez-vous, poursuivit-elle, m’engager à conserver la vie pour voir égorger mes freres & mes cousines ? Ne vaut-il pas mieux mourir, pour éviter cet effroyable spectacle ?