Page:Villeneuve - Le Temps et la patience, tome 2.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
ET LA PATIENCE.

que vous êtes où je vous vois. Ce n’étoit pas assez que ma naissance fatale eût été la cause de vos premiers malheurs, poursuivit-elle, en parlant à ses freres, il a fallu que, vous dévouant à mon caprice, j’aie comblé votre désastre. Si j’avois voulu suivre vos sentiments, & que, par trop de bonté, vous n’eussiez pas donné la préférence aux miens, nous serions reliés tranquillement dans l’asyle où je vous ai rencontrés : je n’aurois pas irrité le Temps contre nous, & il vous auroit rendu heureux : mais, continua-t-elle, avec un redoublement de tristesse, ma mort, qui est certaine, vous vengera. Je n’en murmure point, puisqu’il est trop juste qu’étant seule coupable, je périsse avec les innocents de qui je cause les maux ; trop heureuse si ma perte empêchoit la vôtre, & si je subissois seule la peine que je n’ai que trop méritée !

Elle auroit passé toute la nuit à s’affliger avec ses parents, si l’Esclave ne lui avoit pas représenté que l’heure où le Tyran revenoit, étoit sur le point d’arriver, & que, s’il la trouvoit en ce lieu, il lui arracheroit la vie après avoir massacré sa famille à ses yeux.

Cette menace l’obligea de rentrer ; il en étoit temps, car Angoulmouëk se fit