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ET LA PATIENCE.

mais elle pensa mourir d’effroi en voyant entrer Angoulmouëk.

Au premier bruit que l’esclave avoit entendu, elle s’étoit promptement jettée par terre, & se plaignoit douloureusement, feignant, lorsqu’elle vit son Maître, que le mal qu’elle souffroit l’empêchoit de l’appercevoir : Ma chere fille, disoit-elle à Merille, de grace, ne m’abandonnez pas, car je suis morte, si vous me privez de votre secours.

Sans faire d’attention à l’état où son esclave paroissoit, Angoulmouëk saisit Merille par le col, &, de l’autre main, lui tâtant les bras : Voilà qui est bon, dit-il d’un air satisfait ; & quand cela aura porté la laine quelque temps, ce sera un excellent manger.

Ah ! mon respectable Seigneur, s’écria la vieille, en se traînant à ses pieds, ayez pitié de mon âge & de ma foiblesse ; quelqu’ardent que soit le zele que j’ai pour votre service, je succomberai à la peine, si vous ne daignez pas me laisser cette jeune fille pour me soulager ; sans elle, ajouta la vieille, vous ne m’auriez pas trouvée vivante.

Ces paroles sembloient peu toucher le Géant ; &, sans en paroître ému : que t’est-il donc arrivé de si important depuis