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LE TEMPS

passée brusquement, elle se referma de même, laissant paroître à ses yeux une vieille femme, dont le discours ne la rassura point. Malheureuse ! lui dit-elle, en la voyant entrer, quelle mauvaise fortune vous conduit en ce lieu ? Cette voix, qui ne lui sembla pas inconnue, obligea Merille à regarder attentivement celle qui lui parloit, qu’elle reconnut à l’instant pour la vieille esclave qui mondoit du riz à Angole, & qui lui avoit appris ses malheurs, ainsi que ceux de la famille royale.

Les paroles & la présence de cette femme la glacerent d’effroi, ne pouvant douter qu’elle n’en eût un sujet qui ne dépendoit pas d’elle ; car elle lui avoit paru trop bonne lorsqu’elle l’avoit entretenue dans son Pays, & même ce qu’elle lui disoit alors ne paroissoit accompagné que de compassion : le courroux ni la menace n’y ayant aucune part, elle ne le prit pas dans un sens désobligeant, & ne le considéra que comme un avis du péril où elle étoit ; mais cet avis venoit trop tard. Hélas ! ma bonne mere, lui dit-elle en tremblant, que m’annoncez-vous, & que puis-je avoir à craindre dans un lieu où je ne viens pas à dessein de faire tort à personne ?

La vieille la regardant à son tour, se la