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LE TEMPS

pas, & qui vous fût attaché par le cœur, prenez garde de ne point laisser pénétrer votre secret au cruel Broukandork, car rien ne seroit capable d’empêcher sa perte.

Une si terrible nouvelle troubla extraordinairement la jeune Merille. Ayant trouvé l’occasion d’en parler à ses compagnons, ils se crurent perdus sans ressource ; &, d’un sentiment unanime, ils résolurent de quitter ce lieu dangereux le plus promptement qu’il leur seroit possible, sans pourtant savoir comment ils s’y prendroient pour exécuter ce dessein. Les portes de cette prison étoient bien gardées, & les issues secretes n’en étoient pas aussi aisées qu’au Serrail d’Orosmane. Les Maîtres de ce Palais étoient si exacts à faire réparer les murs, qu’il n’étoit pas possible de passer par aucunes brèches ; ainsi, pour se sauver, ils ne trouverent point d’autres expédients que celui d’engager Broukandork à leur donner la liberté. Ce fut le seul où ils se bornerent. Quelque difficile que cette ressource leur parût d’abord, ils ne la crurent pas cependant tout-à-fait impossible, car il cherchoit déja ouvertement l’occasion de faire querelle aux Princes. La sombre fierté qu’il leur avoit témoignée à leur arrivée, étoit insensiblement dégénérée dans une