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LE TEMPS

lui que pour avoir un rang qui l’autorisât à prendre des airs propres à lui attirer des amants, fut fort mortifiée de s’être trompée si lourdement, d’autant que ce qu’elle n’avoit fait que pour avoir l’occasion de vivre plus licencieusement, venoit directement de produire un effet contraire, tout le monde l’abandonnant pour ne rien avoir à démêler avec son indigne époux.

Son rang n’ayant rien d’assez imposant pour que l’on daignât se contraindre pour lui ni pour elle, l’exposoit sans ménagement à toutes les railleries publiques. Elle en fut si mortifiée, qu’il lui fut impossible de les supporter. Après que son mari, qui étoit aussi méprisé qu’elle, lui eut fait & en eut reçu réciproquement les plus sanglants reproches, ils prirent le parti d’acheter ce Palais solitaire, où, afin de continuer à satisfaire son goût pour le libertinage, elle avoit auprès d’elle les plus beaux esclaves qu’elle pouvoit trouver, forçant par ses caresses ou ses menaces les Voyageurs que le hazard conduisoit chez elle, à y assouvir ses honteuses passions. C’étoit à leurs risques ; car Broukandork, que le peu d’estime qu’il avoit pour sa femme rendoit clairvoyant, n’étoit pas long-temps à s’en apperce-