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ET LA PATIENCE.

Merille ; mais une heure après que vous en eûtes été délivrée, vous accouchâtes d’un Prince, qu’on vous a persuadé qui étoit mort en naissant : le traitre en ayant fait faire l’échange, mit à sa place celui qu’il avoit préparé, & me donna votre fils, qui m’étoit inconnu. Le soin que j’en venois de prendre, pensa me devenir funeste ; car il me fit un crime de la pitié que j’en avois eue en lui présentant la mammelle. Ce Barbare m’ordonna de le tuer si secrétement que cela ne pût jamais être découvert, me menaçant de me tuer moi-même, si je tardois à exécuter sa volonté.

Vous savez, puissante Princesse, ajouta cette femme, la soumission que les Esclaves doivent à leurs Maîtres, & les peines rigoureuses auxquelles sont assujettis ceux qui leur désobéissent : ainsi, pour ne nous point exposer mon mari & moi, en voulant secourir un enfant inconnu, que nous ne pouvions sauver, mais qui nous auroit entraînés dans sa perte, je me déterminai à obéir, quoique nous n’ignorassions pas (à qui que ce fût qu’il appartînt,) que le Sacrificateur excédoit son pouvoir en disposant de cette vie ; mais ce n’étoit pas à moi à m’opposer à l’injustice de mon Maître. Sans qu’il fût besoin