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LE TEMPS

arrêtée, & connoissant que je ne lui pouvois plus être d’aucune utilité, ne me flattant pas qu’il fut permis à ses Esclaves d’aller la servir, je me sauvai, sans être apperçue, le désordre où tout étoit dans le Palais m’en ayant donné la facilité. Comme j’étois libre depuis long-temps, je n’appréhendai pas d’être poursuivie ni reprise ; je mis, aussi-tôt que je me vis délivrée d’esclavage, tout ce que je tenois de la libéralité de la Reine, dans cette maison-ci, que j’achetai, & où mon obscurité faisant ma sûreté, je m’y suis établie, étant trop éloignée du Palais pour que la proximité du voisinage pusse faire connoître que j’ai été à elle.

Depuis que j’y suis, poursuivit cette Affranchie, j’y ai vécu avec assez de tranquillité, en logeant des voyageurs, & en écoutant ce que l’on disoit des affaires de la Reine, sans paraître m’y intéresser particuliérement, espérant toujours que la longueur de sa prison donneroit occasion à quelque événement favorable : mais, en apprenant que son sort étoit décidé & qu’elle touchoit à sa derniere heure, l’affection que j’ai pour elle, ayant surmonté la prudence, je vous ai laissé voir ma douleur, qui est telle que je ne souhaite pas lui survivre ; bien au contraire,