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LE TEMPS

Tu me connois mal, lui dit tendrement la Reine, en supposant que je puisse songer à me délivrer de mes infortunes par ta perte. Non, mon cher enfant, poursuivit-elle, la mort m’épouvante moins que ce que tu me proposes. Je ressens la même affection pour toi que pour ma fille : juge, sur de tels sentiments, si je serois capable de te sacrifier à ma sûreté. Hélas ! ajouta-t-elle, en redoublant ses larmes, ne suis-je pas assez malheureuse, d’avoir pris les Princes d’Angole pour victimes de mon ambition, d’avoir usurpé leur rang, de les avoir contraints à sortir du Royaume, & peut-être de la vie, d’avoir enfin perdu ma chere Merille, sans mettre encore le comble à mes malheurs, en te permettant de t’exposer au danger de périr pour moi…. Non, non, s’écria-t-elle, je n’y consentirai jamais : les Dieux me feront subir quel sort il leur plaira, je m’y soumets, & je veux tout attendre du secours que me peut donner le Temps imprévu.

Juste Ciel ! quelle attente ! interrompit Zerbeke. Ah ! Reine, poursuivit-il, songez-vous que voici un Temps terrible, & qu’il n’y a qu’un coup de désespoir qui vous puisse soustraire à sa puissance, qu’enfin il faut tout risquer pour éviter le Temps