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LE TEMPS

En achevant ces mots, elle se retira, en jettant sur Mouba un regard méprisant, dont il fut touché vivement, & plus qu’il ne sembloit qu’il le dût être ; ne pouvant en être surpris, puisqu’il n’ignoroit pas les sentiments qu’elle avoit pour lui.

Tandis qu’avec beaucoup d’empressement il assemble ses amis, & qu’il les invite à prendre, sans tarder, des mesures pour forcer la Reine à faire une action où il ne peut plus mettre en doute qu’elle consente volontairement, cette triste Princesse assemble aussi les siens, mais ce fut plutôt pour se plaindre de la rigueur de son sort, que dans l’espérance qu’ils la tireroient de peine.

Le traître avoit en son pouvoir tous les trésors & toute la puissance de l’Etat ; de la Reine, à qui il ne restoit pas le plus petit moyen de faire des graces, n’avoit d’amis fideles que ceux qui étoient assez désintéressés pour être sans ambition, ainsi que sans pouvoir ; non pas que sa Maison & sa Cour ne fussent nombreuses, mais elles n’étoient composées que d’espions, qui rapportoient au Tyran jusqu’à ses actions les plus secretes. Elle ne l’ignoroit point, & c’étoit ce qui faisoit sa principale inquiétude.

Cette infidélité étoit si publique, que