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ET LA PATIENCE.

sensible. Les trois Princes partageoient avec Balkir les malhonnêtetés de ce nouvel amant de Merille ; &, n’osant se servir eux-mêmes, ils auroient eu le sort de Tantale, si, malgré la douce occupation de la Dame Châtelaine, elle ne s’en fût distraite de temps en temps pour leur donner abondamment de quoi vivre, quoique les morceaux les plus délicats fussent pour le beau Balkir, quand Broukandork ne les pouvoit pas saisir pour les donner à Merille. Mais l’abondance des mêts mettoit les Princes en état de faire encore grande chere du superflu des Princesses, ces agréables époux ne s’occupant précisément que de ce qu’ils auroient fait eux-mêmes, s’ils avoient osé faire les honneurs de cette table.

La présence de Merille ayant adouci de la sorte la fiere humeur du Seigneur Broukafidork, il lui disoit mille choses obligeantes en la servant avec une attention qui auroit été charmante si elle fût venue de toute autre part. Faramine ne la regardoit pas si obligeamment, & ses regards auroient été très-différents de ceux de son époux, si elle en avoit eu le temps ; mais uniquement occupée à considérer Balkir, elle n’avoit des yeux que pour ce jeune homme.