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ET LA PATIENCE.

sans cesse, & cherchoit continuellement les lieux solitaires, pour s’y affliger sans craindre d’être interrompue. C’étoit le seul avantage qui lui fût resté, vu la négligence dont elle étoit servie, & le peu d’attention qu’on avoit pour elle, tout le monde étant occupé suivant ses intérêts. Les brigues qui se faisoient à la Cour, étoient cause que l’on lui laissoit toutes sortes de liberté, & elle se promenoit quelquefois des journées entières, sans qu’on se mît en peine de la suivre, ni même de s’informer où elle étoit. Les ardeurs du soleil, ou la fraîcheur de la nuit, ne causant aucune inquiétude pour sa santé, l’indifférence auroit même été poussée jusqu’à négliger de lui présenter de la nourriture, si elle n’eût pas eu soin d’en demander.

Ainsi, presqu’abandonnée, elle parvint à l’âge de treize ans, il y en avoit alors près de six que le Roi étoit mort, & l’Etat n’étoit pas plus tranquille que s’il eût fait cette perte depuis quinze jours. Les cabales qui agitoient le Royaume ne cessant point, le Ministre, suivant ses mystérieux & politiques projets, ne se pressoit pas d’orner son front du diadême dont il se croyoit certain, & qui seul manquoit à son usurpation, lorsqu’il se trouva