Page:Villeneuve - Le Temps et la patience, tome 1.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
139
ET LA PATIENCE.

pour se reposer d’une fatigue prise si fort à contre-temps.

Cette humeur sauvage & singuliere, qui retardoit la cérémonie de son couronnement, de même que mon hymen, me força à lui en parler ; mais il me répondit, avec une contrainte qu’il ne pouvoit cacher, qu’il ne sentoit aucun desir de cesser d’être mon Sujet, & que, tant que nos Dieux me conserveroient le jour, il ne vouloit pas se priver du bonheur de vivre sous mes Loix.

Il demeura ferme dans cette résolution, me déclarant que les apprêts que j’avois faits pour le faire régner, étoient entièrement inutiles. Je lui représentai en vain qu’il y avoit un danger presque certain, à ce que la Princesse que j’allois épouser ne pensât trop aux intérêts de ses enfants, & ne fît tort aux siens. Je lui avouai même que je sentois pour elle un penchant si violent, que je craignois qu’elle n’entreprît de me porter à penser comme elle ; ajoutant, qu’encore que je ne m’en sentisse pas capable dans le temps que je lui parlois, je connoissois trop la foiblesse du cœur humain, pour ne pas redouter la mienne, & pour ignorer qu’une belle femme, pour peu qu’elle joigne l’esprit à la beauté, devient bien-