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CHAPITRE III.


Essence de la poésie lyrique. — En quoi naturelle à l’homme. — Son caractère oriental. — Conjectures diverses sur les rencontres et les imitations du génie humain. — L’ode hébraïque.


Il est une belle manière de concevoir la naissance de la poésie lyrique : c’est de l’associer à la création même de la nature intelligente, c’est d’en faire la première voix de l’homme, jeté adulte dans le monde par un miracle sans lequel ne peut s’expliquer le miracle même du commencement des choses.

Un philosophe éloquent du dernier siècle a voulu surprendre et décrire l’entrée du premier homme dans la vie, son action instinctive, l’éveil de ses sensations, et ce qu’il nomme les plaisirs de sa grande et noble existence. Mais ces plaisirs, un peu longuement analysés par Buffon, sont tous de l’ordre physique : la perception de la lumière, le mouvement, le toucher, la satisfaction de l’odorat et du goût. Fallait-il, ô philosophe ! admettre l’avénement miraculeux de l’homme, le produire sans enfance, avec tous les dons de l’âge viril en