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CHAPITRE XX.


Le Dante, poëte lyrique.


Quand la poésie lyrique s’est-elle réveillée dans le midi de l’Europe, en dehors de la langue et de l’Église romaines ? quand devint-elle autre chose que l’élan de la prière et de la foi ? La critique moderne a cherché cette date, pour en faire honneur à la Sicile ou à la Provence. Mais ici toute prétention exclusive est vaine ; la poésie lyrique est née partout, avec les premiers et les plus vifs sentiments de l’âme. Si notre Montaigne croyait la reconnaître dans la chanson du cannibale Iroquois célébrant une couleuvre, dont il voudrait dérober les vives couleurs pour en parer le collier de sa maîtresse, si ce chant barbare semble au philosophe français tout anacréontique, même passion, même fantaisie ne dut-elle pas cent fois se produire dans les épreuves de la vie du moyen âge ? L’élégance manquait à l’art, comme aux mœurs.