Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

langue latine. En Italie, comme dans le reste de l’Europe latine, tous les actes se faisaient en latin. Mais vous concevez que le latin du jardinier dont j’ai parlé tout à l’heure se retrouvait souvent même sous la plume du notaire.

C’était une confusion incroyable. Les désinences variées des verbes et des noms étaient oubliées. On rangeait les mots comme on pouvait, sans égard aux temps et aux cas. Il y a des contrats de vente ou de mariage les plus singuliers du monde Cedo tibi de rem paupertatis meœ tam pro sponsalia quam pro largitate tuœ, hoc est casa cum curte circumaucta, mobile et immobile… Cedo tibi bracile valente solidus tantus, etc. S’entendait-on ? Ce latin faisait-il naître des procès ? Je l’ignore. Il n’y avait pas même la grammaire de l’ignorance ; tout semblait fortuit et sans règle ; les mots étaient juxtaposés, au lieu d’être mis en rapport. Voilà l’état où le latin était tombé aux viie et viiie siècles, dans tous les lieux où il était encore parlé officiellement. Je ne dis pas qu’il n’y eût des hommes de race franque ou lombarde qui, ayant étudié le latin dans les auteurs, l’écrivaient avec une sorte de correction. Mais le latin des tribunaux et des greffes, celui qui intervenait dans toutes les transactions civiles, était un assemblage confus