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récente. Mais, à part cette langue latine qui formait l’idiome savant de la chrétienté du moyen âge, et qui, sous ce rapport, mériterait d’être étudiée, non pas chez une nation isolée, mais chez plusieurs à la fois, les langues nouvelles offrent cet intérêt plus spécial et plus grand de caractériser la formation des peuples nouveaux ; car une langue est une civilisation. La langue latine du moyen âge représentait moins un peuple qu’une société supérieure et générale empruntée à tous les peuples, cette société que saint Bernard appelle quelque part omnis latinitas, et qui s’étendait, pour les choses religieuses, depuis la Scandinavie jusqu’à Rome. Mais les sociétés distinctes qu’on appelle des peuples se manifestaient surtout dans le développement et le progrès de la langue que chacune d’elles s’était faite ; et ce résultat ne semble-t-il pas confirmé par le hasard qui fit naître le premier grand poëte des âges modernes chez la nation dont l’idiome, issu presque tout entier du latin, s’est trouvé le plus naturellement et le plus tôt formé, comme un arbre nouveau sortant du pied d’un autre arbre ?

Depuis l’étude que j’avais essayée sur le Dante, un de mes plus savants confrères, critique aussi varié que profond philologue, a éclairé la même question d’une bien autre lumière. Quelques-uns des points que j’avais touchés dans l’histoire de notre vieille littérature française, ont également donné lieu à des recherches plus curieuses ou plus précises. De nombreux matériaux, encore inédits il y a quelques années, ont été publiés, et cependant, loin qu’on puisse écrire déjà l’histoire complète de notre littérature au moyen âge, on n’en a pas encore dressé l’inventaire, qui s’accroît chaque jour. La langue même du xiie et du xiiie siècle, longtemps mal sue parce qu’on n’y supposait