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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


QUITTE POUR LA PEUR.

On s’est borné à traiter Quitte pour la peur de « gracieuse esquisse » : c’est, avec plus ou moins de compliments accessoires, l’opinion concordante du National du 7 juin 1833, de l’Europe littéraire du 3 juin ; le Figaro du 1er juin réprouve cette « comédie romantique », ce « dialogue froid et prétentieux », le Moniteur universel du 3 trouve que l’auteur « a abusé de la permission d’être ennuyeux » ; les Débats du 1er juin, avec Janin, y voient « trois scènes sans action, sans gaîté, sans vraisemblance morale ou immorale », le Courrier français « l’erreur d’un homme de talent », le Constitutionnel un opuscule « écrit avec talent, mais d’un intérêt trop faible ». Vigny peut se rendre compte que « la multitude » réussit à comprendre l’anecdote, mais non la satire, « la part la plus choisie de ses idées ».

Mais si le féminisme conditionnel et apitoyé du poète, hostile aux jaloux sans amour, échappait à son auditoire en général, Sainte-Beuve trouvait « la moralité de la pièce plus grave qu’il ne semble au premier abord » (lettre du 31 mai).

Est-ce par l’évolution fatale de l’opinion entre la Monarchie de Juillet et la République ? La reprise de 1849 au Gymnase permet de mieux goûter ce « vif tableau de mœurs équivoques » (Constitutionnel, 16 juillet). Si Charles de Mathorel, dans le Siècle du 9 juillet, T. Sauvage dans le Moniteur du 14 sont sévères, Th. Gautier dans la Presse du 9 juillet est ravi d’un « charmant proverbe, que jadis, dans le cadre trop vaste de l’Opéra, on n’avait pu apprécier à sa valeur ». Janin lui-même, dans les Débats du 16 juillet, célèbre, à propos de ce « charmant duo » et de son « vice léger », la gloire, le sillon lumineux d’un grand écrivain, « oubliant et non pas oublié ». Vigny est enchanté de ces témoignages favorables, et se déclare « conquis et soumis par la victoire de MMe Rose Chéri » dans le rôle de la duchesse.

Une reprise de cette œuvre aux Français, pour le centenaire de Vigny, lui fut peu favorable.


CHATTERTON.

Chatterton a retenti profondément au cœur de la jeunesse contemporaine. On a là-dessus des témoignages aussi concertants que ceux