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la frégate la sérieuse


Le Franklin et sa frégate,
Le bleu, le blanc, l’écarlate,
De cent mâts nationaux,
L’armée, en convoi, remise
Comme en garde à L’Artémise,
Nous nous dîmes : C’est Venise
Qui s’avance sur les eaux[1].

VIII


Quel plaisir d’aller si vite,
Et de voir son pavillon,
Loin des terres qu’il évite,
Tracer un noble sillon !
Au large on voit mieux le monde,
Et sa tête énorme et ronde
Qui se balance et qui gronde
Comme éprouvant un affront.
Parce que l’homme se joue
De sa force, et que la proue,
Ainsi qu’une lourde roue.
Fend sa route sur son front.

IX


Quel plaisir ! et quel spectacle
Que l’élément triste et froid

  1. Ader, Histoire de l’expédition d’Égypte, Paris, 1826, p. 11 : Les bâtiments sortis successivement de Toulon ayant gagné la pleine mer et se trouvant à la hauteur de Gènes, le général en chef fit le signal de ralliement. Toute la flotte, réunie alors autour du vaisseau amiral, formait une masse si considérable qu’elle offrait l’aspect d’une ville au milieu des ondes. Le même cri : « Voilà Venise ! » échappa à tous ceux qui connaissaient cette reine détrônée des mers.