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le bal

Les larmes à présent, doux trésor des amours[1],
Les larmes, contre l’âge inutile secours[2] :
Car les ans maladifs, avec un doigt de glace.
Des chagrins dans vos cœurs auront marqué la place,
La morose vieillesse… Ô légères beautés !
Dansez, multipliez vos pas précipités,
Et dans les blanches mains les mains entrelacées.
Et les regards de feu, les guirlandes froissées.
Et le rire éclatant, cri des joyeux loisirs.
Et que la salle au loin tremble de vos plaisirs[3][4].


Paris, 1818[5].
  1. Var : O, P1, sous des larmes
  2. Var : D, doux trésors
  3. André Chénier, Élégies (éd. de 1819, xxix : Et c’est Glycère, amis…) :

    Mais quels éclats, amis ! C’est la voix de Julie :
    Entrons. Oh ! quelle nuit ! joie, ivresse, folie !
    Que de seins envahis et mollement pressés !…
    Il faut que de la Seine, au cri de notre fête,
    Le flot résonne au loin, de nos jeux égayé…

  4. Après le vers 84, P1 ajoute les 14 vers suivants qui forment épilogue :

    Où donc est la gaîté de la danse légère ?
    Ces mots ont-ils détruit sa grâce passagère ?
    Au lieu du rire éteint qui n’ose plus s’offrir,
    L’éventail déployé nous dérobe un soupir.
    Hélas ! lorsqu’un serpent est mort dans une source,
    D’une eau vivo et limpide elle poursuit sa course ;
    Mais son matin n’a plus de fécondes vapeurs,
    Et le gazon s’abreuve à des trésors trompeurs ;
    La reine marguerite a perdu sa couronne,
    Le bleuet incliné de pâleur s’environne.
    Et l’enfant qui, joyeux, vient et s’y rafraîchit,
    Pleure et crie en fuyant, car son genou fléchit.
    Son cœur traîne un feu sourd, une torture amère,
    Et des maux dont jamais n’avait parlé sa mère.

  5. La date manque dans O, P1.