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poèmes antiques et modernes

Car, dès que de l’enfant le cri s’est élevé.
Adieu, plaisir, long voile à demi relevé.
Et parure éclatante, et beaux joyaux des fêtes,
Et le soir, en passant, les riantes conquêtes
Sous les ormes, le soir, aux heures de l’amour,
Quand les feux suspendus ont rallumé le jour.
Mais, aux yeux maternels, les veilles inquiètes
Ne manquèrent jamais, ni les peines muettes
Que dédaigne l’époux, que l’enfant méconnaît,
Et dont le souvenir dans les songes renait.
Ainsi, toute au berceau qui la tient asservie,
La mère avec ses pleurs voit s’écouler sa vie.
Rappelez les plaisirs, ils fuiront votre voix,
Et leurs chaînes de fleurs se rompront sous vos doigts.



Ensemble, à pas légers, traversez la carrière ;
Que votre main touche une heureuse main,
Et que vos pieds savants à leur place première
Reviennent, balancés dans leur double chemin.



Dansez : un jour, hélas ! ô reines éphémères !
De votre jeune empire auront fui les chimères ;
Rien n’occupera plus vos cœurs désenchantés,
Que des rêves d’amour bien vite épouvantés,
Et le regret lointain de ces fraîches années
Qu’un souffle a fait mourir, en moins de temps fanées
Que la rose et l’œillet, l’honneur de votre front ;
Et du temps indompté lorsque viendra l’affront,
Quelles seront alors vos tardives alarmes ?
Un teint, déjà flétri, pâlira sous les larmes,