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poèmes antiques et modernes

De l’air dans mes cheveux j’ai senti le passage,
Et le soleil un jour éclaira mon visage.
— Oh ! pourquoi fuyez-vous ? restez sur vos gazons[1],
Vierges ! continuez vos pas et vos chansons ;
Pourquoi vous retirer aux cabanes prochaines ?
Le monde autant que moi déteste donc les chaînes ?
Une seule s’arrête et m’attend sans terreur :
Quoi ! du Masque de Fer elle n’a pas horreur[2] !
Non, j’ai vu la pitié sur ses lèvres si belles[3],
Et de ses yeux en pleurs les douces étincelles.
Soldats ! Que voulez-vous ? quel lugubre appareil[4] !
J’ai mes droits à l’amour et ma part au soleil ;
Laissez-nous fuir ensemble. Oh ! voyez-la ! c’est elle[5]
Avec qui je veux vivre, elle est là qui m’appelle ;
Je ne fais pas le mal ; allez, dites au Roi
Qu’aucun homme jamais ne se plaindra de moi ;
Que je serai content si, près de ma compagne,
Je puis errer longtemps de montagne en montagne[6].
Sans jamais arrêter nos loisirs voyageurs[7] !

  1. Var : P1, Ô pourquoi.
  2. Var : P1, Masque de fer.
  3. Var v. 229-230 : M, P1, Non, j’ai vu les beautés de sa démarche, et celles | Qui venaient de ses yeux en douces (P1 remplace douces par vives) étincelles.
  4. Var v. 231-233 : M, P1, Soldats, que voulez-vous ? Encor ce masque froid ? | Que vous ai-je donc fait ? Le soleil est à moi, | Il ranime ma vie. — A, et ma part du soleil ;
  5. Var : P1, A, Ô voyez-la !
  6. Var : M, P1, Je puis mener nos jours de montagne en montagne,
  7. Chateaubriand, Martyrs, X (épisode de Velléda) : Tu croyais peut-être que dans mes songes de félicité, je désirais des trésors, des palais, des pompes ? Hélas ! mes vœux étaient plus modestes, et ils n’ont point été exaucés ! Je n’ai jamais aperçu au coin d’un bois la hutte roulante d’un berger sans songer qu’elle me suffirait avec toi… Nous promènerions aujourd’hui notre cabane de solitude en solitude, et notre