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la prison

Il ne fut pas perdu pour mon cœur solitaire.
Mais, puisque vous m’aimez, ô vieillard inconnu !
Pourquoi jusqu’à ce jour n’êtes vous pas venu[1] ?

le prêtre.

Ô qui que vous soyez ! vous que tant de mystère,
Avant le temps prescrit, sépara de la terre,
Vous n’aurez plus de fers dans l’asile des morts :
Si vous avez failli, rappelez les remords[2].
Versez-les dans le sein du Dieu qui vous écoute ;
Ma main du repentir vous montrera la route.
Entrevoyez le Ciel par vos maux acheté :
Je suis prêtre, et vous porte ici la liberté.
De la confession j’accomplis l’œuvre sainte,
Le tribunal divin siège dans cette enceinte.
Répondez, le pardon déjà vous est offert[3] ;

  1. Var : (M ?), P1, Dites, pourquoi déjà n’êtes-vous pas venu ? — À la suite de ce vers, M et P1 intercalent les huit vers suivants, qui complètent la tirade du prisonnier :

    Vous m’appelez mon fils ? Si vous étiez mon père,
    Vos pas seraient tardifs en ces lieux. Et ma mère,
    Ne viendra-t-elle pas me regarder mourir ?
    Aujourd’hui que leur fils va cesser de souffrir.
    Qu’ils viennent tous les deux voir ma reconnaissance.
    Mais ne les a-t-on pas punis de ma naissance ?
    Ils ont dû l’expier, car devant votre loi,
    Si je suis criminel, ils le sont plus que moi.

  2. Var : M, Il n’est plus de cachots (corr. : Vous n’aurez plus de fers) dans l’azyle des morts :
  3. Pierre Lebrun, Marie Stuart, 1820, V, 3 (scène de la confession) :

    Pourquoi ces pleurs et ces gémissements ?
    Pourquoi me plaignez-vous lorsque la délivrance
    Vient mettre enfin un terme à ma longue souffrance ?
    Soyez plutôt joyeux de voir briser mes fers :
    La prison disparaît et les cieux sont ouverts…
    La bienfaisante mort, du doux pardon suivie,
    Répare en un moment les fautes de ma vie :
    L’être faible, abattu sous le fardeau du sort,
    Est à son dernier jour relevé par la mort.